Alors que nous nous lançons dans un projet de construction afin de cuire ma terre, et avant même de retourner dans l’atelier, je m’entaille la main. Ce geste me signifie que ce n’est plus le le temps de l’argile. Une pause nécessaire.
Nous n’avons plus jamais assez le temps. Ce n’est pas possible de créer sans s’arrêter. Et en ce qui me concerne ce n ‘est pas possible de créer, voir de produire sans prendre le temps de marcher. La blessure de ma main a été l’occasion d’ouvrir ce livre qui m’attendais sur le coin de mon bureau, et d’accueillir paisiblement la tombée de la nuit qui s’invite un peu plus tôt chaque jour. J’apprécie à la fois la belle écriture de l’autrice et je découvre que l’eau qui file n’a pas emmené que moi dans son rythme. J’ai le plaisir de constater que l’eau, la marche et l’écriture s’entretissent d’une manière évidente pour celles qui en font à la fois un trajet et un lieu de soi. C’est une lecture-écho, un livre qui semble avoir été écrit pour être entre mes mains à ce moment là.
Ce temps de pause est aussi l’occasion aussi de profiter des très belles journées de la fin de ce mois d’octobre. Le temps de marche s’accorde parfaitement à celui de la récolte en ce moment. Des châtaignes, des faines de frêne, des samares, des pommes de pin minuscules, de l’écorce de bouleau. Une jolie feuille. Des noisettes et des noix. Des lumières rasantes et des captures photographiques. Quelques mots pour un poème. Que j’aurai oublié en rentrant. Ne restera que l’impulsion. Chaque jour, je marche. Je récolte. J’écris quelques mots. Je lis. Je marche. Je respire. Dehors et dedans, ce sont les mêmes parfums. Je suis prête à écrire le récit que je couve depuis deux ans. Assise par terre, je trie, les doigts couverts de résines.
L’envie est là. L’énergie aussi. Si je ne peux pas travailler la terre en ce moment, je peux faire des bougies à l’envie. Des bougies accordées à l’odeur de la brioche en train de cuire. Colorées et parfumées avec du pur cacao. Des bougies qui raconteront la marche dans les bois, l’odeur des sous bois, et du chocolat chaud pour se réchauffer les mains quand on rentre.
La cire est comme l’argile une matière à modeler. J’aime le côté narratif et illustratif de ces petits paysages de lumière. Et en même temps que je réalise ces miniatures, je sens ce désir qui monte d’utiliser la cire comme un médium pour peindre.